Grégoire Guérard

Sainte Catherine d’Alexandrie, Saint Christophe portant l’Enfant Jésus (revers)

Enfin, la Sainte Catherine d’Alexandrie attribué à Grégoire Guérard) acquise en 2020, avec une participation financière importante de la Société, mais seulement récemment sortie de restauration, nous est présentée dans tout son éclat : des tracés du dessin préparatoire et des repentirs ont été conservés car ils font partie de l’histoire du tableau. Cette œuvre est le volet droit d’un triptyque dont la partie centrale est conservée à l’église de Plombières les Dijon. Au dos du panneau, une grisaille figurant Saint Christophe ne sera visible en photo que sur le site du musée. Ce polyptyque avait été commandé par les seigneurs de Commarin dont les armes figurent sur le volet. (Christian Beaulat)

Ce panneau représentant Sainte Catherine d’Alexandrie sur la face principale et Saint Christophe en grisaille au revers est donné à l’artiste Grégoire Guérard. Il s’agit probablement d’un volet droit de triptyque. Depuis quelques années, le peintre Guérard est bien étudié et mieux cerné grâce à de nouvelles attributions et découvertes d’œuvres, dont fait partie ce panneau peint. Selon les hypothèses de Frédéric Elsig, Grégoire Guérard serait né au début des années 1480 et formé à Tournai (1). Il s’installe à Troyes dans les premières années du XVIe siècle où il joue un rôle important dans le domaine du vitrail. Entre 1515 et 1518, Guérard fait sans doute un voyage en Italie, à Rome, Florence, Milan et Turin où il découvre les maîtres italiens de la Renaissance dont il va s’inspirer tout au long de sa carrière. En 1518, des archives le signalent installé à Tournus, mais il est probable qu’il soit installé en Bourgogne avant son séjour italien, attiré par des commanditaires religieux : sa carrière bourguignonne est en effet consacrée à la réalisation de retables destinés aux églises de la région. Il travaille pour une clientèle diversifiée, ecclésiastique et laïque, et réalise de nombreux panneaux aidés par des collaborateurs au sein d’un atelier très actif.
Ce panneau peint porte les armoiries des Dinteville-Vienne, seigneurs de Commarin, importante famille bourguignonne (2). On retrouve ce blason héraldique sur des tapisseries au château de Commarin, commandées pour célébrer le mariage de Girard de Vienne (1470 ? -1545), conseiller et chambellan de François Ier, en 1500 avec Bénigne de Dinteville. Si les armoiries sont bien connues, il reste néanmoins difficile d’identifier le membre de la famille à qui appartient précisément ce blason.


1 F.Elsig, Grégoire Guérard, Milan, 2017
2 blason à dextre, de gueules à l’aigle d’or et à senestre, écartelé, d’azur aux léopards d’or aux 1 et 4, et d’azur à la
croix d’or, cantonné de dix-huit billettes d’or aux 2 et 3

Dans son article consacré à la découverte de trois nouveaux panneaux, Matthieu Gilles souligne les similitudes de cette œuvre avec d’autres œuvres connues de l’artiste(3). Le saint Christophe reprend en l’inversant une composition d’un autre panneau de Guérard sur le même sujet (triptyque daté de 1524, déposé au Kimbell Art muséum, mais disparu aujourd’hui). Il s’inspire d’une gravure d’Albrecht Dürer, datée de 1503-1504.La figure de Sainte Catherine est particulièrement intéressante, de nombreuses similitudes existant avec les compositions déjà attribuées à Guérard: les mains rappellent ainsi celles des saintes de Budapest ou de Plombières-les-Dijon ; le manteau rouge est tendu et ramené sous le poignet dans un mouvement similaire à celui de la Vierge de l’Annonciation de Saint-Pantaléon.

De même, le paysage en arrière-plan est très proche de celui du panneau de Plombières, tant dans sa construction atmosphérique que dans les détails des plans d’arbres et des collines. Frédéric Elsigdans son ouvrage monographique consacré à l’artiste avance d’ailleurs l’hypothèse que ce tableau pourrait être le volet droit du panneau de Plombières-les-Dijon de « par les dimensions, la mise en page et leur écriture » : il manquerait alors le volet gauche, qui, selon l’auteur, pourrait représenter une Sainte Barbe si l’on reprend le schéma adopté dans les triptyques d’Autun des années 1520.

Malgré toutes ces hypothèses et incertitudes, cette œuvre permet en tout cas de mieux connaître le corpus de l’artiste, très emprunt d’italianisme et de références nordiques, et significatif de l’art bourguignon du XVIe siècle, à la croisée des influences artistiques. Les influences italiennes sont en effet perceptibles dans le traitement des paysages, et les arrières-plans. L’influence nordique se manifeste dans le souci des détails ou le raffinement des costumes et des coiffures. Mais Guérard sait aussi se renouveler en variant les compositions sur des sujets similaires. Ce panneau a donc manifestement une provenance bourguignonne. Par analogie avec les autres œuvres connues de l’artiste, on peut proposer une datation dans les années 1527-1530. Son acquisition par les musées de Dijon permettrait de compléter le corpus de Guérard déjà représenté au musée par trois panneaux importants (4) et de montrer tout le talent de cet artiste encore largement méconnu.

(4) La Présentation de la Vierge au temple (CA 21), l’Arrestation du Christ (inv. 4068, MNR 347) et Vierge à l’Enfant et saint Jean-Baptiste (inv. 2775), actuellement présentés dans les salles Renaissance du musée des beaux-arts.

Sandrine Champion

  • Auteur
    Grégoire Guérard
  • Musée dans lequel l’œuvre est exposée
    Musée des Beaux-Arts, Dijon
  • Date
    25 novembre 2020