Saladier Faïence à décor de grand feu polychrome
Sandrine CHAMPION

 

La ville de Dijon accueille, entre le XVIIe et le XIXe siècle, cinq faïenceries. La production dijonnaise s’inspire de celle de Nevers, Rouen ou Moustiers du fait du déplacement et de l’installation de faïenciers dans la région. La Faïencerie de la rue de Montmuzard (actuelle rue de Colmar), est active à Dijon entre 1786 et 1848. Différents faïenciers s’y succèdent : Jean Rolle, Jean Pignant, Jean et Louis Loyal, Monnier. A la mort du propriétaire Monnier en 1848, un des ouvriers reprend l’affaire mais la production tourne au ralenti et ne devient qu’un magasin de vente de céramique. La faïencerie ferme en 1869.

Les informations relatives aux faïenceries dijonnaises proviennent des recherches du Dr Marchant qui aboutissent au rassemblement d’objets, que la tradition orale attribue aux différentes faïences de Dijon, publié en 1885. Sa collection, photographiée par le docteur Chompret est dispersée mais servira de point de départ aux recherches menées par la suite. On doit au spécialiste de la faïence Jean Rosen et à Madeleine Blondel, ancienne conservatrice du musée de la vie bourguignonne la poursuite de ce sujet. Les fouilles de sauvetage en 1985 sur les anciens sites des manufactures, les recherches dans les archives et l’inventaire des faïences dijonnaises dans les collections publiques ont abouti en 1987 à une exposition intitulée La Faïence de Dijon organisée au musée de la Vie bourguignonne posant les premiers jalons d’un sujet qui ne cessera d’être d’actualité pour le musée dijonnais. Les fouilles de sauvetage réalisées en 1985 sur le site de l’ancienne faïencerie de la rue Montmuzard, à la faveur de travaux sur les lieux, ont permis notamment de retrouver trois tessonnières. Les tessons ont rejoint par ailleurs les collections du musée. La production de cette manufacture est connue : assiettes, saladiers, gourdes ou moutardiers (ils constituent la majorité de la production), entiers ou incomplets, soit près de 160 pièces figurent ainsi déjà à l’inventaire des
collections du musée de la vie bourguignonne. 

Fleurs, bouquets et branchages stylisés occupent la plupart des décors de ces objets. Le dessin est souvent naïf et les pièces de forme montrent régulièrement des accidents dus aux erreurs de cuisson, trahissant un savoir-faire maladroit.
On distingue dans le saladier proposé à l’acquisition, comme il est de tradition, deux mains dans le décor : l’une pour les décors floraux du pourtour et l’autre pour le décor central. Il représente un atelier de potier ou de faïencier : on y distingue des outils, des objets en cours de réalisation et notamment un tour. La représentation de métier ou de famille de métiers est un des thèmes des décors de faïence fin XVIIIe-début XIXe. On connaît les assiettes de métier de la faïence de Nevers mais le personnage représentant le métier est  en règle général accompagné d’une inscription détaillant l’activité, d’un proverbe ou d’une réplique.
On trouve aussi quelques représentations d’atelier dans leur ensemble : la pièce de travail est entièrement dessinée et les ouvriers y travaillent. C’est le cas de l’assiette conservée à Varzy (vers 1794, musée Auguste Grasset – Vf 93.213) présentant un décor en camaïeu figurant l’intérieur d’une imprimerie. En revanche, on ne connait actuellement pas de représentation d’un atelier de faïence. Cette mise en abyme, inédite, ouvre des champs de recherche. Sur la pièce présentée à l’acquisition, on sent la volonté de représenter l’outil de travail – l’établis – en lui-même. Le dessin est naïf et très simple : aucune perspective ou ombre, il s’agit d’une simple vue de profil, comme si l’ouvrier avait représenté ce qui se trouvait devant lui. C’est probablement la technique du poncis ou poncif qui a été utilisée pour ce décor : le dessin était exécuté au préalable sur un feuille de papier, piqué de trous d’épingles qui en suivaient le tracé. Une poudre volatilisable à la cuisson était ensuite appliquée sur la feuille, et la feuille positionnée sur l’objet : cela permettait par report de guider la main du peintre. Cet objet, unique, et relevant indéniablement de la manufacture de Montmuzard selon les experts viendrait compléter fort heureusement les collections du musée de la Vie bourguignonne.