Un entrelacs de lignes courbes au crayon noir, structuré par de grands traits de fusain verticaux, horizontaux, obliques. De l’ensemble naissent cinq silhouettes, dont une centrale, remarquable. D’emblée, l’intrication du trait de crayon continu et des aplats de fusain surprend. Elle suscite comme une tension diffuse, renforcée par une distribution en éventail qui passe de la verticale à l’oblique.
Que se passe-t-il ? De quelle scène sommes-nous les témoins ?
Le premier personnage en partant de la gauche semble manifester son effroi ou son indignation. Le trait vertical brisé au fusain en est peut-être le signe.
Le deuxième personnage pourrait être un spectateur peu concerné. Le trait de fusain est vertical. Il pourrait aussi être proche du personnage central, car un trait de fusain horizontal le relie à celui-ci.
Le troisième personnage, sorte d’oiseau de proie, agresse son vis-à-vis. Le large trait de fusain dessine un «S » acéré, et enfonce littéralement la silhouette.
Le quatrième personnage recule sous le choc. Moins corpulent, moins grand que les autres, le trait de crayon arrondi sous le cou pourrait suggérer que c’est une femme.
Le cinquième personnage serait alors son enfant. Terrorisé, celui-ci se cache derrière elle, s’agrippe à elle.
La violence de la scène, sa charge émotionnelle sont signifiées par l’omniprésence des traits de fusain brutalement posés, le contraste des verticales et des obliques, le décalage entre les courbes du crayon et la raideur du fusain.
Un mari rejeté par sa femme et furieusement jaloux ? Un divorce mal accepté ?
D’un dessin peut-être instinctif, automatique, surgit une urgence de transcrire un traumatisme, et même une révolte.
Ce dessin de Charles Lapicque est daté de 1945, et s’intitule « l’arrestation ».
Claude Albert Martel (le 2 avril 2020)